lundi 18 mai 2009

Rien caché, ni rien renié

Ce texte se veut une réponse et un complément au précédant message " Louis-Ferdinand Céline et la souffrance".


Merci à Michel Mouls


www.celineenphrases.fr


Pierre L


Est-il possible de saisir entièrement l’esprit de Louis-Ferdinand Céline, de découvrir, de comprendre et d’expliquer sa conscience secrète dissimulée dans ses romans, ses pamphlets, ses innombrables lettres?


Tout d’abord des milliers d’exégètes les mieux intentionnés s’y sont essayés et ont bien perçu que l’on ne peut pas séparer l’homme de l’écrivain…


Ainsi, on peut comprendre, expliquer alors, parce qu’il n’y a rien de « dissimulé » dans son œuvre (les pamphlets le démontrent aisément, même s’ils restent des textes conjoncturels), comment Louis-Ferdinand Destouches s’est transformé au fil des années en Louis-Ferdinand Céline.


L’injustice, le mensonge, l’hypocrisie l’ont marqué à vie. Au fur et à mesure de ses expériences successives d’adolescent, d’apprentis, de la guerre, de ses parcours africains, américains, son séjour à la SDN, celui dans les bas-fonds londoniens, ses années d’études médicales, ses soins en dispensaire de banlieue… le pouvoir des élites masquées, les néfastes solutions démocratiques, les rôles inversés des religions ou des Loges l’ont révulsé et ont contribué, associé à son génie de la phrase, à fabriquer l’immense écrivain du XXe siècle que nous connaissons.


Il n’a jamais rien caché. Sa sensibilité exacerbée, sa souffrance, son impuissance, son désespoir se sont transformés, au fur et à mesure en rage, colère et haine rentrée.


Après le « Voyage » en 1932, il a fui la récupération par la gauche française, il a dénoncé le communisme dès « Mea culpa », il a marqué aux fers ceux qui poussaient hystériquement à la guerre, lui qui avait vécu les atrocités de la précédente… Il n’a épargné personne, il n’a adhéré à aucun mythe, à aucune idêêês, à aucune chapelle…Il a donc été traqué, haï, exclu…


Ses réponses littéraires aux expériences vécues découlent de la même veine. Après Elsa et Aragon traduisant le « Voyage » en Russie, la gauche et sa récupération pour son anticolonialisme, il écrit « Mea culpa » où il leur montre que « la grande prétention au bonheur, voilà l’énorme imposture! »


Après son séjour à la SDN où il travailla au service d’hygiène du docteur Rajchman ainsi que pour la Fondation Rockefeller, il écrira « l’Église », comédie en 5 actes où il s’amusera, au 3e, avec « Yudenzweck »…


Après les nombreuses arrivées étrangères d’Allemagne et d’Europe centrale, les appels à la guerre de ces bellicistes qui désiraient avant tout se venger et ne craignaient nullement de sacrifier une fois encore des millions d’adolescents, il écrira « Bagatelles pour un massacre » et « l’École des cadavres » dans la foulée…


Après la défaite, si prévisible, « en trois semaines », il répondra, à ceux qui avaient déclaré cette guerre « pour la démocratie », par « Notre Dame de la débinette » ou « Les Beaux draps »…


Les vainqueurs brandissent toujours un trophée. Ils tenaient leur bouc émissaire. L’éliminer de la vie littéraire ne suffisait plus, il fallait l’éliminer tout court.


Il n’a eu que le choix de la fuite, l’exil. Pourchassé, Denoël, son éditeur assassiné, il a dû traverser l’Allemagne en feu pour rejoindre la Baltique. Et là encore, il a répondu par la trilogie, chroniqueur d’après-guerre, le spectacle du gouvernement de Vichy exilé à Bade-Wurtemberg et la fuite à Sigmaringen…


Non, on ne peut décidément séparer l’homme de l’écrivain…Encore une fois, il s’agit d’un même personnage, d’un être sensible, terriblement atteint au fond de son âme par les misères morales dont les hommes s’accablent.


Alors, avec une « langue déconstruite, mais organisée », avec le génie du rythme, en lutte permanente contre l’académisme, il a crû pouvoir « tout seul arrêter la guerre », tout seul dénoncer l’immonde, les mensonges les « Églises »…


Face à l’impossibilité de sa tâche, et après avoir imaginé un moment que la médecine pourrait faire office d’un baume à la souffrance généralisée, il s’est alors inconsciemment peut-être donné pour mission de transposer la douleur du monde en art, en mots, en musique, en style, une formulation magique que personne n’a réussi à percer, ni à expliquer…


Michel Mouls

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